Timur (le prénom a été modifié),ressortissant ouzbek de 37 ans,s’est rendu à la Préfecture de police de Paris le 6 juin pour déposer sa demande d’asile. On lui a dit de se représenter le 20 juin. Il est revenu à cette date et a été arrêté,puis enfermé au centre de rétention administrative de Vincennes (Val-de-Marne),où il se trouve toujours. La préfecture lui a notifié une interdiction administrative du territoire et a fixé son expulsion vers l’Ouzbékistan au vendredi 19 juillet.
L’homme craint des persécutions dans son pays natal,qu’il a fui en 2006 et où il est recherché notamment pour avoir participé,en 2005,à la grande manifestation d’Andijan,hostile à la dictature d’Islam Karimov (1938-2016) et durement réprimée. Longtemps exilé en Ukraine,qu’il a quittée en 2022 à cause de l’invasion russe,Timur a demandé,en vain,l’asile en Allemagne,avant de venir en France en avril.
« Personne ne sait ce qu’on lui reproche précisément,explique son avocat,Samy Djemaoun. La préfecture parle d’une “menace grave à l’ordre public”,mais ne le justifie pas. Rien,dans la procédure,n’explique pourquoi il constituerait une menace. Je ne serais pas surpris qu’on l’ait considéré comme une menace au regard de sa nationalité ouzbèke. C’est un peu comme les ressortissants tchétchènes. Vous êtes présumé dangereux en raison de votre nationalité. »
« On est dans un contexte très suspicieux,notamment concernant les personnes venant d’Asie centrale,parce qu’il y a des groupes fondamentalistes dans ces pays-là,alors on passe au-dessus de toutes les conventions et on renvoie tout le monde,sans discernement,sans avoir évalué les risques en cas de retour »,alerte Bérengère Savelieff,travailleuse sociale qui suit Timur. « On n’est plus dans une dimension strictement juridique,mais dans une dimension politique »,dénonce Me Djemaoun. Sollicités par Le Monde,le ministère de l’intérieur et la préfecture de Paris n’ont pas donné suite.
En novembre 2023,Paris avait expulsé un ressortissant ouzbek en dépit d’une décision de la CEDH. « Une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale »,avait estimé le Conseil d’Etat.
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