SéVERIN MILLET Les gouvernements européens n’adopteront pas dans l’immédiat de position sur la proposition de règlement CSAM,dit « chat control »,visant à lutter contre la diffusion de contenus pédopornographiques en analysant automatiquement le contenu des téléphones de tous les Européens. Jeudi 20 juin,un vote décisif du comité des représentants permanents,où siègent les représentants des gouvernements de l’Union Européenne (UE),a été ajourné sine die,sur fond d’incertitude quant à une éventuelle majorité sur ce texte particulièrement controversé.
Il s’agissait de la seconde version du projet,après la très forte atténuation d’un premier texte similaire par le Parlement européen,fin 2023. Les eurodéputés avaient largement vidé de sa substance le texte initial,qui prévoyait d’imposer à tous les éditeurs de messageries d’analyser le contenu des messages transitant par leurs plates-formes pour y détecter la présence de contenus pédopornographiques. L’idée avait provoqué de très vives critiques de la part des entreprises du numérique,d’élus – notamment de gauche – et des spécialistes du chiffrement,qui dénonçaient unanimement une demande impossible à satisfaire sans « casser » les mécanismes indispensables à la protection des communications des citoyens européens.
La nouvelle version du texte,dite « de compromis » et rédigée sous l’égide de la présidence belge de l’UE,conservait l’idée fondamentale de « chat control » : une analyse automatisée et généralisée des photos et vidéos partagées par les possesseurs européens de smartphones. Principale différence par rapport au projet initial,ces médias seraient désormais analysés au moment où ils sont chargés dans une application comme WhatsApp ou Messenger,et non plus durant leur envoi.
Mais cette différence n’était que « de la poudre aux yeux »,s’agaçait,la semaine dernière,Romain Digneaux,le directeur des affaires publiques de la société Proton,qui propose un service d’e-mails chiffrés. « Un jeu rhétorique »,renchérissait,dans une lettre ouverte ce 17 juin,Meredith Whittaker,la directrice de l’application sécurisée Signal. « C’est la même idée sous un autre nom (…). Il faut être clair : imposer une analyse de masse des communications privées affaiblit le chiffrement (…) et crée une vulnérabilité qui pourra être exploitée par des hackeurs et des Etats hostiles. »
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