Le Palais de la Porte-Dorée,qui abrite le Musée national de l’histoire de l’immigration et l’Aquarium tropical,à Paris,en 2017. VéRONIQUE BESNARD Dans le brouhaha de l’entre-deux-tours des législatives,l’épisode est presque passé inaperçu. Le 4 juillet,trois jours avant un scrutin fatidique pour l’avenir de la France,la maire de Paris,Anne Hidalgo,a confié l’original de son certificat de nationalité française au Musée national de l’histoire de l’immigration,logé dans le Palais de la Porte-Dorée,à Paris. « Comme beaucoup d’enfants d’immigrés,j’ai toujours craint de perdre et de me séparer de cet acte administratif qui prouve ma nationalité »,a-t-elle aussitôt publié sur Instagram,en revendiquant ses origines espagnoles. La décision avait été prise de longue date. Mais le geste a été précipité par l’actualité : Jordan Bardella,président du Rassemblement national (RN),avait annoncé dix jours plus tôt qu’il interdirait certains postes « stratégiques » aux Français détenteurs d’une autre nationalité,s’il accédait à Matignon.
Le 7 juillet,le parti de Marine Le Pen,qui avait promis une « loi d’urgence » sur l’immigration,a finalement atterri à la troisième place,bien loin de la majorité absolue dont il rêvait pour conquérir le pouvoir. Au grand soulagement de Constance Rivière,directrice générale du Palais de la Porte-Dorée,l’établissement public qui coiffe à la fois le Musée national de l’histoire de l’immigration et l’Aquarium tropical. « On a eu peur,bien sûr,d’abord pour la France et,comme Musée de l’immigration,d’être fragilisé si le RN arrivait au pouvoir »,reconnaît l’énarque sans langue de bois.
On ne sait par quel miracle le musée avait toujours échappé aux radars de l’extrême droite. Son ancien directeur,Pap Ndiaye,a bien été étrillé par la fachosphère,mais seulement lorsqu’il était devenu ministre de l’éducation. « Le musée est passé entre les mailles du filet parce qu’il est trop “petit”. Ils en connaissent à peine l’existence »,nous avait-il alors confié.
Autant de données martelées le 20 juin,lors d’une soirée de mobilisation organisée par l’établissement sous l’intitulé « Immigration : de quoi avons-nous peur ? ». Trois heures durant,devant quatre cents spectateurs,une douzaine d’intervenants,parmi lesquels la cinéaste Alice Diop et le dramaturge Alexis Michalik,se sont succédé sur scène pour déconstruire les contre-vérités distillées par le RN. L’historien Patrick Boucheron,l’un des artisans du nouveau parcours permanent du musée,était naturellement de la partie. « Les Français sont moins hostiles à l’immigration qu’on le croit,confie-t-il au Monde. Mais ça fait trente ans qu’on leur demande s’il y a trop d’immigrés et,à force de leur poser la question,on a fini par leur suggérer une réponse. »
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