Sit-in dans la rue, occupation de locaux historiques et face à face tendu avec des manifestants pro-Israël : la mobilisation pro-palestinienne perturbait ce vendredi le bon fonctionnement de Sciences Po Paris, qui a finalement été évacué dans la soirée.
Au terme d'une journée de discussions avec des représentants du comité Palestine, la direction de Sciences Po a annoncé s'engager à organiser d'ici à jeudi prochain un débat interne, « ouvert à toutes les communautés » de l'institution parisienne. « Toutes les questions pourront être posées », assure-t-elle, et notamment celles liées aux revendications des manifestants, comme la question des « partenariats de l'école avec les universités et organisations soutenant l'État d'Israël ».
« Compte tenu de ces décisions, les étudiants se sont engagés à ne plus perturber les cours, les examens ainsi que toutes les activités de l'institution », écrit Jean Bassères, administrateur provisoire de l'institution, dans un message transmis aux étudiants et professeurs. Ce message a été accueilli avec satisfaction par les dizaines de manifestants encore rassemblés devant l'établissement – des étudiants, militants ou sympathisants du comité Palestine de Sciences Po mobilisés depuis quelques jours dans et en dehors des locaux historiques de l'école, au cœur du huppé VIIe arrondissement.
Ils réclament notamment « la condamnation claire des agissements d'Israël par Sciences Po » et « la fin des collaborations » avec toutes « les institutions ou entités » complices « de l'oppression systémique du peuple palestinien ». Ils demandent en outre l'arrêt de « la répression des voix pro-palestiniennes sur le campus ». Après la diffusion du message de la direction, ils ont évacué les lieux dans le calme, au compte-gouttes. Plus de 200 manifestants étaient déjà partis plus tôt, après des sommations de la part des forces de l'ordre.
La tension était montée d'un cran dans l'après-midi avec l'arrivée d'une cinquantaine de manifestants pro-Israël criant notamment « Libérez Sciences Po » ou « Libérez Gaza du Hamas ». Certains étaient masqués et disposaient de casques de moto. Une bousculade entre partisans des deux camps est survenue au milieu des nombreux journalistes présents. Les forces de l'ordre se sont alors positionnées pour séparer sans violence les deux groupes.
Mercredi soir, une soixantaine d'étudiants engagés en faveur de la cause palestinienne avaient occupé l'amphithéâtre extérieur d'un campus de l'école dans le VIIe arrondissement. « Après échange avec la direction de Sciences Po, la plupart ont accepté de quitter les lieux » dans la nuit, mais « un petit groupe d'étudiants a néanmoins refusé et il a été décidé que les forces de l'ordre procèdent à l'évacuation du site », a indiqué mercredi matin la direction de l'établissement dans un message à l'AFP. Elle « regrette que les nombreuses tentatives de dialogue afin qu'ils quittent les lieux dans le calme n'aient pas permis de trouver une autre issue à cette situation ».
À l'arrivée de la police, « 50 étudiants ont quitté d'eux-mêmes les lieux, 70 ont été évacués dans le calme à partir de 0h20 », selon la préfecture de police, qui ne déplore « aucun incident ». Cette mobilisation a été organisée par le Comité Palestine de Sciences Po. Elle s'est déroulée alors que plusieurs universités américaines sont prises dans la tourmente provoquée par le conflit à Gaza.
Les étudiants ont reçu vendredi le soutien de plusieurs figures de LFI dont la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate sur la liste Insoumise pour les élections européennes. Ils portent « l'honneur de la France », a-t-elle déclaré à la presse, reprenant les propos du leader Jean-Luc Mélenchon qui a adressé un message audio de soutien aux manifestants.
Le sujet est en tout cas devenu inflammable à gauche. Les passes d'armes se multiplient ces derniers jours, accentuant encore les divisions de l'ex-Nupes. « LFI souille et piétine la cause palestinienne à des fins électorales », a affirmé la tête de liste communiste aux européennes, Léon Deffontaines. Une prise de position qui a le mérite d'exprimer tout haut ce que de nombreux ex-membres de la Nupes pensent tout bas, observe Aurélien Devernoix, du service politique de RFI. « LFI utilise Gaza et la répression par l'État de l'expression du soutien aux Palestiniens pour se victimiser et tenter d'obtenir des voix dans les quartiers populaires », juge ainsi un député socialiste.
Les anciens alliés des Insoumis les soupçonnent surtout de tenter de dissimuler les difficultés de leur campagne : la liste LFI menée par Manon Aubry est en effet nettement distancée dans les intentions de vote par celle du PS-Place Publique dirigée par Raphaël Glucksmann. Des accusations dont s'offusquent les Insoumis. « Ceux qui parlent d'électoralisme sont des racistes », lance ainsi le député Paul Vannier, « parce qu'ils font un lien entre Gaza, quartiers populaires et musulmans, avec un sous-entendu d'antisémitisme ». Tout en regrettant une polémique entre des partis « fondamentalement d'accord » sur l'injustice de la situation au Proche-Orient.
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