Gilles Simeoni,président du conseil exécutif de Corse,lors d’un entretien avec « Le Monde »,à Ajaccio,jeudi 28 juin 2024. KAMIL ZIHNIOGLU POUR « LE MONDE » Dirigeant du parti autonomiste Femu a Corsica (« Faisons la Corse »),Gilles Simeoni est président de l’exécutif de l’Assemblée de Corse depuis 2015. Il se livre pour la première fois dans un média national sur les conséquences de la dissolution de l’Assemblée nationale et sur les élections législatives des 30 juin et 7 juillet.
Comment interprétez-vous le très fort score du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin,y compris en Corse ?
Celan’a été que la confirmation de ce que l’on pressentait depuis longtemps. Ce vote exprime une inquiétude,une angoisse,un mécontentement profond,qui viennent de loin et auxquels on n’a jamais répondu de façon satisfaisante. Nous sommes en train d’en récolter les fruits amers. Si on s’attache à la Corse,vous avez des scores qui,par endroits,approchent 60 % en cumulant le RN et Reconquête !.
Il y a une part de rejet de l’étranger et de l’autre,en Corse comme ailleurs. Ensuite,il ne faut pas négliger,en Corse,une forte abstention aux élections européennes. Il n’en reste pas moins que,pour les valeurs que le peuple corse a historiquement défendues,ce vote est extrêmement inquiétant.
Y a-t-il dans ce vote une dimension de lassitude par rapport au pouvoir régional hégémonique de votre parti ?
Nous sommes en responsabilité depuis neuf ans. C’est très long. Il y a aujourd’hui une part de frustration ou d’insatisfaction qui s’exprime. Nous avons été portés par un immense espoir de changement rapide et radical. Or,il n’a pas eu lieu,notamment parce que nous avons été confrontés à des difficultés politiques dans la relation à l’Etat. Mais cela ne vaut pas excuse.
La dissolution a-t-elle mis fin au processus de Beauvau,lancé en 2022,qui devait mener à l’autonomie de la Corse à travers une révision constitutionnelle ?
La dissolution a créé une situation extrêmement incertaine et inquiétante en ce qui concerne la fragmentation des forces politiques pour tout le pays,pas seulement pour la Corse. Pour revenir au processus de Beauvau,nous allions entrer,avant la dissolution,dans la deuxième phase,consistant à saisir le Parlement du projet d’écriture constitutionnelle,afin d’obtenir une majorité des trois cinquièmes pour aller vers un véritable statut d’autonomie. Nous étions bien partis.
Pour l’anecdote,quelques jours avant les européennes,j’avais été reçu par la mission sénatoriale mise en place par le président [du Sénat,Gérard] Larcher,et présidée par le président de la commission des lois du Sénat,M. Buffet. Ces échanges avaient été extrêmement fructueux. Et puis il y a eu la dissolution,qui crée une donne politique radicalement nouvelle. Est-ce que la Corse restera à l’agenda politique des prochains mois ? On est dans une incertitude globale.
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