Livre. Un groupe d’économistes se perd en pleine montagne lors d’une randonnée. Leur chef,afin de sauver la situation,s’empare d’une carte topographique. Puis,après de laborieuses opérations d’observation,s’exclame,triomphant : « Vous voyez la grande montagne là-bas ? Nous sommes pile dessus. »
L’incapacité récurrente des économistes à réconcilier la théorie et la réalité est une affaire sérieuse – raison pour laquelle elle fait l’objet d’innombrables plaisanteries entre praticiens de la discipline. C’est du moins ainsi que les comprend Jan Horst Keppler,qui cherche à éclairer les liens entre économie de marché et inconscient. Tout comme l’humour chez Freud est un moyen de défense pour faire triompher le moi face au tragique,les blagues entre économistes lui apparaissent comme le symptôme d’un déni fondateur de la dynamique pulsionnelle qui soutient toute l’économie de marché.
Ce professeur à l’université Paris-Dauphine,par ailleurs spécialiste des marchés énergétiques et expert reconnu sur le financement de l’industrie nucléaire dans la transition écologique,n’est pas un économiste spécialement critique ou hétérodoxe,pas plus qu’il ne se cantonne à des sujets marginaux ou jugés peu sérieux.
L’enquête commence,dans ce nouveau livre, Economie de marché et inconscient. La pulsion à l’origine de la valeur économique (Classiques Garnier,562 pages,49 euros),par un détour vers l’anthropologie. Chez Marcel Mauss et Claude Lévi-Strauss,lecteurs attentifs de Freud,l’échange apparaît comme une opération centrale de refondation de la communauté. Activité signifiante,et non uniquement économique,il bâtit un pacte de reconnaissance mutuelle et crée une dette sans laquelle il n’est pas de vie sociale.
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