INFO FRANCE INTER - Selon un rapport de l’organisme d’investigation Profundo, commandé par l’Alliance contre le tabac, depuis 2018, ce sont plus de 5 milliards de dollars de crédits qui ont été accordés par des acteurs français aux cigarettiers.
Il y a six ans, le "Tobacco Free-Finance Pledge" voyait le jour. Cette charte, mise en place par l’ONG australienne Tobacco-Free Portfolio, incitait tous les acteurs financiers internationaux à cesser leur soutien aux géants du tabac. Parmi les signataires, la Société Générale, le Crédit Agricole ou encore le Groupe BPCE.
Sauf que ces banques ne respectent pas leurs engagements. Entre 2018 et 2023, selon un rapport de l'organisme d'investigation Profundo, commandé par l'Alliance contre le tabac, certains de ces établissements bancaires ont accordé 5,3 milliards de dollars de crédits à British American Tobacco (Lucky Strike, Dunhill, Kent), à Philip Morris International (Malboro, L&M, Chesterfield) ou encore au groupe Imperial Brands (Davidoff, Drum, Rizla).
La Société Générale compte à elle seule pour 83% du soutien financier français apporté à l’industrie du tabac. Même si elle tend à diminuer ses appuis ces dernières années. "Pour autant, ces crédits sont inacceptables", estime Marion Catellin, directrice générale de l’Alliance contre le Tabac. "Comme l’avait récemment déclaré le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, chaque investissement dans l’industrie du tabac est un investissement dans la mort et la maladie. En finançant les acteurs du tabac, les banques françaises se rendent complices d’une industrie qui tue un consommateur sur deux".
"Consciente des impacts environnementaux et sociaux associés au secteur du tabac, la Société Générale s’est engagée dans une stratégie de sortie du secteur", assure l’établissement bancaire à France Inter. "La banque a publié en septembre 2023 une politique sectorielle dédiée au secteur Tabac et a signé le Tobacco-Free-Finance-Pledge".
De son côté, si le Crédit Agricole était encore un acteur bancaire majeur dans le financement du tabac, il s'en est désengagé en 2021. C'est même gravé dans les politiques de l'établissement français.
Selon le rapport de l’organisme d’investigation Profundo, les banques françaises ne font pas qu’accorder des prêts aux géants du tabac. Elles investissent elles-mêmes sur ce marché. En novembre dernier, les banques françaises y totalisaient 733 millions de dollars d’investissements. 40% de ces fonds proviennent du Groupe BPCE, Banque populaire-Caisse d’Épargne, et pour plus de 20% du Crédit Agricole. Si on observe pour certains une tendance à la baisse de ces investissements, ce n’est pas le cas de tout le monde. Groupama, par exemple, s'est mis à investir et de manière croissante dans ce secteur depuis 2021. Ce que le groupe conteste.
"Il est extrêmement important que l’industrie du tabac fasse l’objet d’une exclusion stricte de toute politique de crédits et d’investissements de la part des acteurs financiers français", estime Marion Catellin, directrice générale de l’Alliance contre le Tabac. "C’est une industrie qui tue encore 75.000 personnes par an en France. Et par ailleurs, c’est une industrie qui a été exclue du Pacte mondial des Nations unies. C’est une coalition des plus grosses entreprises mondiales qui se sont engagées à respecter les droits humains et à aller vers des objectifs de développement durable. D’emblée, l’industrie du tabac, au même titre que celle de l’armement, a été exclue de ce Pacte mondial. Il est donc inadmissible que les acteurs bancaires français financent encore l’industrie du tabac."
© Affaires Officielles