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« Les Démocraties face au capitalisme » : de la nécessité de faire un marché

Jun 19, 2024 Finance IDOPRESS

Livre. A l’heure où les défenseurs de la démocratie s’interrogent sur les moyens de reconquérir « les cœurs et les esprits » des perdants d’un système économique qui les écrase,cet essai de l’économiste Anton Brender,Les Démocraties face au capitalisme (Odile Jacob,176 pages,18,90 euros),tombe à pic. Sa thèse est simple : contrairement à ce qu’affirment nombre de ses collègues,capitalisme et démocratie ne sont pas intrinsèquement liés. Livré à sa seule logique d’accumulation des profits et de marchandisation,le capitalisme accroît les inégalités,dévaste l’environnement,bref,n’accorde pas grand prix à la vie des hommes et au vivant en général. Mais,contrairement à ceux qui affirment qu’il faut par conséquent le détruire et passer à autre chose – par exemple à la décroissance –,l’auteur montre que ce sont les moteurs mêmes du capitalisme – l’innovation,l’entrepreneuriat,l’initiative individuelle – qui permettent à la démocratie d’éclore et de survivre.

La démocratie est ici entendue comme le fait d’accorder un prix élevé et égal à toutes les vies humaines,et donc aux conditions qui permettent l’accès à une « vie bonne » pour tous : droit,institutions politiques et sociales (école,protection sociale,fiscalité,justice). Ces conditions doivent être imposées,par les luttes politiques et sociales,au capitalisme. Ou plutôt,elles doivent être assignées comme objectifs aux capitalistes.

Dévaluation des existences

L’auteur explique très simplement et pédagogiquement cette dialectique apparemment paradoxale,en montrant par exemple comment le marché ne peut fonctionner sans les prix ni le crédit (qu’il appelle la « mémoire des prix »),comment cette mémoire ne peut exister que si une institution publique en garantit la persistance,et pourquoi cette institution doit être démocratique pour assurer l’égalité de tous face au marché. Et c’est précisément parce qu’elles n’ont pas,ou parce qu’elles ont détruit,ces moteurs du capitalisme,que la Russie postsoviétique ou la Chine postmaoïste n’ont pas créé les institutions démocratiques qui donnent à la vie humaine un prix élevé et égal pour tous.

La crise de la démocratie en Occident,quant à elle,est née du fait qu’à partir de la fin des années 1970 le capitalisme a été progressivement livré à lui-même,au nom d’une plus grande efficacité… et au bénéfice d’une étroite minorité sociopolitique. Le capitalisme débridé a fait exploser les inégalités (dans les nations comme entre les nations),a miné les institutions qui assuraient la redistribution et la protection sociale,et ouvert la voie aux idéologies qui,précisément,n’accordent pas le même prix à toutes les vies. « Pour reprendre la route qui avait longtemps été la leur,nos démocraties n’ont pas le choix : il leur faut à nouveau tracer par la loi,par l’action de l’Etat et par une pression sociale toujours plus affirmée le chemin sur lequel le capitalisme les fera avancer. » Car,ajoute-t-il,« le capitalisme nous sera encore utile,pourvu que nous sachions où nous voulons aller ».

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