Livre. C’est un mythe qui résiste au temps. La figure du décideur unique,« rationnel,charismatique et impartial » reste aujourd’hui largement valorisée,comme en témoigne l’abondante littérature sur le leadership,constate Henri Bergeron,directeur de recherche au CNRS. Au point de faire,parfois,des leaders de véritables « héros modernes ».
Les sciences sociales travaillent aujourd’hui à la déconstruction de ce modèle,mettant en lumière,derrière l’image du dirigeant tranchant en solitaire,des collectifs œuvrant à la construction d’une décision. Leurs orientations ne sont pas totalement rationnelles,« leurs préférences évolue[nt] »,ils « n’ont guère toutes les informations en leur possession » et « sont encastrés dans des structures de relations de pouvoir qui limitent leur capacité autonome (…) de décision »,poursuit M. Bergeron.
C’est cette image complexe de la prise de décision,plurielle,parfois incertaine,fluctuante,voire sous influence,qu’analyse un ouvrage paru sous la direction de Patrick Castel,directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques,et Marie-Emmanuelle Chessel,directrice de recherche au CNRS. A la recherche de la décision (Presses universitaires du Septentrion,264 pages,23 euros) propose une succession d’études de cas concrets,au cœur de différentes organisations,où médecins,juges,DRH,dirigeants,mais aussi salariés soupèsent,cheminent et,surtout,échangent.
Si la responsabilité individuelle du décideur prime souvent in fine,l’ouvrage montre combien sa prise de décision est la résultante d’une dynamique collective. Elle doit permettre d’acquérir les ressources nécessaires à l’établissement d’un choix. C’est le cas par exemple au sein du tribunal de commerce de Paris,l’un des terrains d’enquête. Ses acteurs intègrent progressivement les ressorts de la prise de décision sous l’influence de certains juges considérés comme des « leaders d’opinion ». Ce faisant,ils « apprennent à produire des jugements acceptables par le groupe et anticipent donc les attentes de leurs pairs ».
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