L’abbé Pierre,à l’abbaye Saint-Wandrille (Seine-Maritime),le 5 décembre 1987. MYCHELE DANIAU / AFP L’abbé Pierre,le prêtre le plus célèbre de France,connu pour ses engagements sociaux,est rattrapé,dix-sept ans après sa mort,en 2007,par des accusations de violences sexuelles. Un rapport,commandé au cabinet Egaé par Emmaüs France,Emmaüs International et la Fondation Abbé Pierre,évoque des violences commises sur au moins sept femmes,de la fin des années 1970 à 2005.
Le texte de huit pages,rédigé par Caroline De Haas,qui dirige Egaé,évoque les « émotions fortes » liées à cette enquête et la dichotomie entre l’aura immense d’un homme qui a consacré sa vie aux plus pauvres,et la réalité des comportements évoqués par les victimes dans leurs récits. « La dissonance entre l’image de l’abbé Pierre,son souhait de justice et d’égalité et son comportement envers les femmes crée une fissure immense chez les personnes qui l’admiraient ou admiraient son engagement »,écrit Caroline De Haas.
« Ces révélations bouleversent nos structures,ces agissements changent profondément le regard que nous portons sur un homme connu avant tout pour son combat contre la pauvreté,la misère et l’exclusion »,soulignent également Emmaüs France,Emmaüs International et la Fondation Abbé Pierre. La Conférence des évêques de France a,elle,exprimé sa « douleur » et sa « honte ».
Cette première victime,nommée par l’initiale A. dans le rapport,se souvient de l’abbé Pierre comme d’un ami de ses parents,qui lui touche régulièrement les seins alors qu’elle est encore mineure. En 1982,elle a 18 ans et part avec le célèbre religieux en Italie. Là-bas,selon elle,de nombreuses sollicitations ont lieu : « Il me demandait de m’asseoir à côté de lui dans l’auto et il me tenait la main tout le temps. Un jour,il est entré dans notre chambre sans frapper. » A leur retour de voyage,à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne),il l’a embrassée de force : « Le dernier soir,au moment de lui dire au revoir,il a introduit sa langue dans ma bouche d’une façon brutale et totalement inattendue. »
Six ans plus tard,selon le récit de A.,l’abbé Pierre demande à la revoir à Mulhouse (Haut-Rhin) : « J’ai dû aller le chercher à l’hôtel. Le portier me dit : “Il vous attend dans sa chambre.” Il était allongé sur le lit,il m’a proposé de venir m’allonger. Je lui ai dit : “Non,non,on y va.” Il s’est levé. » En 2003,A. se rend avec son père à la rencontre du prêtre,pour le confronter à ce qu’elle a subi. Elle lui lit un texte,qu’il saisit ensuite et détruit dans une déchiqueteuse. A la sortie de cet entretien,un témoin entendu dans le cadre du rapport s’est remémoré le père d’A. déclarant : « Je pense que l’abbé va être très perturbé,car j’ai été très dur avec lui,tu comprends,il s’est mal conduit avec ma fille et je lui ai dit ma façon de voir. »
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