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Les questions que pose la réparation financière accordée par l’Eglise à une victime de prêtre devenue agresseur

Jul 19, 2024 Vie IDOPRESS

Aujourd’hui âgé de 73 ans,Jean-Yves S. a été victime de violences sexuelles entre l’âge de 12 et 15 ans,de la part du prêtre aumônier de son lycée de Bourg-en-Bresse,Félix Hutin,mort en 2022. C’est à ce titre qu’il reçoit,le 16 mai,une lettre de la part de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr),l’organisme mis en place par la Conférence des évêques de France pour accompagner les victimes de prêtres pédophiles. La lettre lui annonce que l’Eglise catholique le reconnaît comme victime et qu’il va recevoir une « réparation »,comme ce fut le cas pour 678 autres victimes.

Mais Jean-Yves S. n’est pas vraiment une victime comme les autres,puisqu’il a lui-même été condamné pour agression sexuelle sur mineur. Cela ne l’a pas empêché de se voir accorder une réparation financière à hauteur de 60 000 euros,soit l’un des plafonds les plus élevés prévus. Une prise de position qui n’est pas sans soulever des questions,alors qu’environ 500 demandes de victimes de prêtres n’ont pas encore été traitées à ce jour par l’Inirr.

En 1963,Jean-Yves S.,orphelin de père,entre au lycée Lalande,où il rencontre l’aumônier Félix Hutin. Selon un compte rendu de la situation de l’Inirr consulté par Le Monde,ce prêtre le prend sous son aile et lui propose des rendez-vous privés hebdomadaires (« le jeudi ») pendant près de trois ans,qui prennent un caractère sexuel de plus en plus manifeste,allant du « bisou mielleux » à la fellation,selon le récit de la victime.

Jean-Yves S. maintiendra durant plusieurs années des liens épistolaires avec son agresseur et ne portera plainte qu’en 2001. Trop tard pour éviter la prescription au pénal,mais la procédure permet l’ouverture d’une enquête et d’obtenir des aveux de Félix Hutin,qui reconnaît des attouchements (mais pas de viols).

Il faut attendre 2014 pour que l’Eglise,à l’issue d’une procédure interne dont l’origine reste floue,condamne l’aumônier à faire « pénitence » en versant 30 000 euros à une association d’aide aux enfants en Thaïlande.

« Tout vient du fait que j’ai été victime »

En 2015,l’avocat de Jean-Yves S.,Emmanuel Ludot,attaque Félix Hutin au civil,arguant du fait que l’agression de son client,suivi par un psychothérapeute,a des conséquences toujours d’actualité. Le 7 juillet 2015,le juge de proximité de Nantua (Ain) conclut que le père Hutin est responsable de l’état de « grande détresse » de sa victime et le condamne à verser 1 euro symbolique.

« Je n’avais pas demandé d’indemnisation,l’important était de faire reconnaître la culpabilité de Félix Hutin par la justice,pour pouvoir ensuite demander des comptes à l’Eglise »,confie l’avocat au Monde. Ce qui sera fait une première fois en mai 2019,date à laquelle son client obtient du tribunal de Bourg-en-Bresse que le diocèse communique le dossier du père Hutin. Selon le rapport de l’organisme,il découvre alors que le prêtre fut muté en Suisse en 1974,où on le charge des relations entre l’ONU et le Vatican,et soupçonne une volonté de « le mettre à l’abri ».

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