JAMES ALBON La navette de randonneurs traversait la magnifique vallée de la Clarée,dans les Hautes-Alpes,quand un téléphone a sonné. « Oui,allô ? »,a répondu son propriétaire,tout de Quechua vêtu. « Je suis en télétravail… » En « tracances »,dirons-nous : les pieds en vacances,la tête au travail. Comme ceux qui fréquentent l’Astran,le coworking de Saint-Briac-sur-Mer (Ille-et-Vilaine),en tongs et short,mais chemise repassée… pour les visios. C’est un des nouveaux paradoxes de la vie moderne : on ne peut plus partir en vacances sans y croiser des gens qui travaillent. Ce grand mélange des genres se situe à l’intersection de plusieurs phénomènes : le Wi-Fi presque partout,l’allégement du poids des ordinateurs portables et la nouvelle tolérance pour le labeur en distanciel. A l’été 2022,selon une étude de l’Insee,35 % des gens prévoyaient de télétravailler depuis leur lieu de villégiature.
Mais que les choses soient claires : les tracances,ce néologisme en vogue inspiré du terme anglais workation,ne recouvre aucune réalité légale. On ne va pas déposer ses dates de tracances auprès de son employeur. Nébuleux,ce mot-valise regroupe en l’occurrence ce que chacun y met : cela peut être ces quelques jours de télétravail en bord de mer qu’on a collés à ses deux semaines de break,ou encore cette vie professionnelle en distanciel qu’on s’est organisée en Thaïlande.
Le tracancier,c’est aussi ce drogué du travail qui,bien qu’en congés,saute sur la moindre notification Slack parce qu’il n’arrive pas à décrocher. Cet individu hybride est tout aussi bien quelqu’un qui grappille des bribes de vacances sur son temps de travail que du temps de travail sur ses vacances en lambeaux. « Avant de partir en vacances,tu as cru que t’allais gagner du temps en télétravaillant. Quand tu dois t’isoler pour une visio,tu as l’impression de perdre du temps de vacances »,résume Paul,chef de produit numérique,en tracances dans l’Hérault.
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