« Ici-bas. Pourquoi la Torah n’est pas au ciel » (Not in the Heavens. The Tradition of Jewish Secular Thought),de David Biale,traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Rozenbaumas,Le Bord de l’eau,« Judaïca »,286 p.,25 €.
L’Américain David Biale,professeur émérite à l’université de Californie,dont bien des livres ont été traduits aux Editions de l’éclat,est l’un des historiens actuels du judaïsme les plus importants. Dans ce texte de 2010,Ici-bas. Pourquoi la Torah n’est pas au ciel,il fait œuvre d’érudit et d’essayiste à la fois,mettant son immense connaissance de la tradition juive au service d’une thèse. Selon lui,ce passé et cette tradition,y compris dans leurs composantes les plus religieuses,recèleraient déjà la possibilité de leur retournement en laïcité. Les penseurs et les intellectuels juifs,depuis Benedict Spinoza (1632-1677) jusqu’à l’ancien élève de yeshiva (académie rabbinique) devenu trotskiste Isaac Deutscher (1907-1967),inventeur de l’expression « juif non juif »,par laquelle il se désignait lui-même,ont été les pionniers de ce désenchantement.
Si Biale passe assez vite sur le corpus biblique et talmudique,il voit dans l’œuvre du philosophe,médecin et dirigeant religieux Moïse Maïmonide (1138-1204),et en particulier dans l’une de ses œuvres les plus controversées,Le Guide des égarés (Verdier,2012),une source involontaire du décrochage d’avec la transcendance. Laquelle débouchera,après moult avatars,sur l’aventure de la sécularisation. A force d’insister sur l’incommensurabilité entre l’homme et un Dieu accessible seulement indirectement,par allégories,la « théologie négative » maïmonidienne aurait vidé le monde de la présence divine. Si le passage de l’absence du divin à la négation de son existence supposera encore de nombreuses médiations et médiateurs,en l’occurrence des philosophes comme Spinoza ou Salomon Maimon (1753-1800),mais aussi des poètes comme Heinrich Heine (1797-1856) ou Haïm Nahman Bialik (1873-1934),un coin aurait été enfoncé dès le Moyen Age.
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