C’était un partenariat modèle,à l’origine de l’un des grands succès des quinze dernières années dans les télécoms. Alliés depuis 2011,La Poste et SFR avaient réussi à faire de leur opérateur commun,La Poste Mobile,le cinquième acteur du marché,devenant le plus gros opérateur virtuel du marché : l’un,SFR,en louant son réseau mobile ; l’autre,La Poste,en commercialisant les forfaits dans ses sept mille agences. Pourtant,depuis quelques semaines,les deux associés se déchirent,au point d’envisager une action judiciaire.
A l’origine de la brouille,l’annonce,le 22 février,de la vente de La Poste Mobile à Bouygues Telecom. Détenteur de 51 % du capital,le groupe public souhaite profiter de la bonne santé de l’opérateur mobile pour récupérer les fruits de ses investissements au moment où il a besoin d’argent pour financer la transformation de son activité dans le courrier : avec 2,3 millions de clients,La Poste Mobile a dégagé,en 2023,un bénéfice record de 22 millions d’euros. Surtout,Bouygues Telecom est prêt à payer 950 millions d’euros pour mettre la main sur ce concurrent,un prix très élevé,bien supérieur à celui qu’Orange et Free (l’opérateur détenu par Xavier Niel,membre du conseil de surveillance du Monde),également intéressés par l’affaire,avaient proposé.
Chez SFR,qui n’a pas souhaité exercer son droit de préemption,l’intention de La Poste passe mal. Le loyer que La Poste Mobile paie chaque année pour emprunter le réseau de l’opérateur est très rentable,plusieurs dizaines de millions d’euros par an. La filiale d’Altice France,le groupe de Patrick Drahi,aurait aimé en profiter au-delà de 2026,date prévue de renouvellement du contrat. Au lieu de ça,c’est Bouygues Telecom qui va récupérer ce loyer.
Le groupe de Patrick Drahi se demande si La Poste ne souhaite pas opportunément profiter des difficultés financières actuelles de SFR,qui croule sous 24 milliards d’euros de dette,pour le léser et renflouer ses propres caisses. Or,depuis la vente,en juin,des médias (BFM-TV,RMC…) à CMA CGM,pour 1,5 milliard d’euros,et des centres de données,pour 530 millions,Altice France,la maison mère de SFR,dit ne pas avoir besoin d’argent à court terme. Ce qui lui laisse le temps nécessaire pour négocier les conditions de vente de La Poste Mobile.
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