XAVIER LISSILLOUR Dans sa jeune vingtaine,« au village »,dans l’extrême ouest du Kenya,Jacinta Nafula est tombée enceinte de son petit ami. Le père de son fils,baptisé Richard,est parti travailler à la capitale,elle l’y a rejoint,ils se sont mariés. Et puis,un jour,il a disparu. Pas qu’il soit mort,il a juste tourné la page. « Il s’est marié avec une autre femme »,raconte sobrement cette modeste tresseuse d’un salon de coiffure qui,à cause de loyers impayés,s’est alors retrouvée un temps à la rue. Et d’ajouter,sur le même ton : « Ils vivent ici,à Nairobi. » Une fois,une seule,Jacinta est allée lui demander un peu d’aide,malgré l’« embarras ». « Quand il m’a vue,il est parti en courant »,se souvient la mère de Richard,aujourd’hui âgé de 13 ans et qui n’a jamais revu son père.
Pendant le Covid-19,une période noire pour les travailleurs informels,Jacinta a rencontré un musicien d’église. « Un homme de Dieu qui,lui,ne buvait pas et n’allait pas m’embêter »,poursuit-elle,évoquant à mots couverts le fléau des violences conjugales. Il lui promet une famille,une vie confortable. Il l’emmène même à Mombasa,sur l’océan Indien,en avion. « C’est quand je suis tombée enceinte que j’ai vu son vrai visage »,conclut-elle. Leur bébé,Prince,a 3 mois quand le musicien s’évapore à son tour. Ces derniers temps,il s’invite parfois au salon de coiffure,armé d’une part de gâteau et d’un soda qui font la joie du petit garçon de 3 ans. Jamais rien d’autre.
« Les hommes d’aujourd’hui ne veulent plus de responsabilités »,déplore Jacinta sous l’œil approbateur d’une voisine,venue aider à la traduction du swahili. Autour d’elles,dans le quartier populaire d’Umoja,« les mères célibataires sont très nombreuses,enchaîne Peninah Nguli. Notamment dans sa génération,insiste cette femme plus âgée,mère célibataire d’un garçon de 18 ans. La plupart des hommes ne sont pas là. »
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