Sommes-nous encore maîtres de notre temps ? Développement du lean management [méthode de production « au plus juste »],intensification des échanges numériques,porosité entre vies professionnelle et personnelle,expansion des horaires de travail atypiques,diffusion d’une « impatience consumériste »… Dans la sphère professionnelle comme privée,nombre d’évolutions ont eu tendance,ces dernières années,à nous en « déposséder ». C’est le constat que partagent Charles Adrianssens et Paul Montjotin dans leur ouvrage L’Ere du temps libéré publié aux Editions du faubourg.
Les auteurs,contributeurs au sein du laboratoire d’idées Institut Rousseau,rappellent en premier lieu que le « phénomène d’accélération » à l’œuvre est aujourd’hui largement documenté. « La proportion de salariés dont le rythme est imposé par des normes ou délais d’une heure au plus est passée de 5 % en 1984 à 29 % en 2016 »,expliquent les auteurs,citant une étude de la direction de l’animation,de la recherche,des études et des statistiques. Le « travail pressé »,décrit par les chercheurs Corinne Gaudart et Serge Volkoff dans leur ouvrage du même nom (Les Petits Matins,2022),s’est,de fait,imposé dans de nombreux secteurs d’activité.
Cette fuite du temps a des conséquences multiples. L’accélération,observée dans les organisations comme dans les temps personnels – à travers notamment une « culture de la consommation permanente » – affecte les Français,comme travailleurs et comme citoyens. Elle affecte leur équilibre psychique,réduit leurs liens sociaux. « Le travail devient de plus en plus intense,et représente de moins en moins une expérience collective,au risque d’être moins émancipateur »,appuient MM. Adrianssens et Montjotin. De même,cette « perte de contrôle » fragilise l’environnement,la recherche de vitesse se faisant bien souvent au détriment de la sobriété et de la frugalité.
Quelles évolutions engager dans le monde du travail ? MM. Adrianssens et Montjotin souhaitent « favoriser l’équilibre entre les temps personnel et professionnel,redonnant ainsi à chaque salarié un meilleur contrôle sur son temps ». Ils proposent notamment d’« offrir à toutes les personnes travaillant à temps plein un socle commun de jours de temps libéré leur permettant de compenser [diverses contraintes],s’occuper de son enfant malade,par exemple ». Un « droit opposable à l’engagement des salariés » est également avancé. Il permettrait de sanctuariser un temps mensuel ou hebdomadaire pour exercer une activité bénévole d’intérêt général.
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