Le maire d’Esteville (Seine-Maritime),Manuel Grente,devant la fresque peinte par l’artiste Ernesto Novo,hommage à l’abbé Pierre,en septembre 2024. JACOB KHRIST / HANS LUCAS POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE » « Il a essayé d’aimer. » Avec l’avalanche de témoignages sur les agressions sexuelles de l’abbé Pierre qui a suivi les premières révélations du mouvement Emmaüs,le 17 juillet,l’épitaphe devenait insoutenable. La plaque,apposée sur la tombe du religieux,à Esteville (Seine-Maritime),a été retirée. Le prêtre,fondateur d’Emmaüs,en 1949,pour lutter contre l’exclusion,a longtemps été la fierté de ce village de cinq cent soixante habitants,situé à 30 kilomètres au nord-est de Rouen.
Aujourd’hui,Esteville ne sait que faire de cet héritage encombrant. C’est là,en effet,que le prêtre a vécu de nombreuses années,au sein de la communauté installée route d’Emmaüs,dans un domaine légué en 1964 par Pauline Sanlaville,morte sans héritiers. Le manoir du XVIIIe siècle et le parc ont été aménagés,dotés de nouveaux bâtiments permettant l’accueil de personnes en difficulté et de compagnons âgés. « La commune est connue dans toute la France,et même au-delà,grâce à l’abbé Pierre »,indique un panneau accroché sur un mur de la mairie. Le petit musée de 400 mètres carrés dédié au religieux ainsi que sa chambre laissée en l’état,son bureau et son atelier sont définitivement fermés,ont annoncé les dirigeants du centre d’accueil.
« On était content d’habiter le village de l’abbé Pierre,cela créait de l’animation »,confie un homme devant sa maison,en requérant l’anonymat. Les révélations,« ça nous tombe sur la tête,témoigne-t-il. ça va casser quelque chose. C’est un coup pour le village »,soupire-t-il,confiant qu’un de ses voisins « en a pleuré ». Ce qui l’inquiète tout particulièrement,c’est le cimetière. « On craint le vandalisme sur la tombe de l’abbé,dit-il. Notre fille est enterrée à côté. Je ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque chose… »
Le maire (sans étiquette) est bien conscient du risque. « Je suis là pour que ça n’arrive pas »,affirme Manuel Grente,élu en 2020. L’édile assure avoir sollicité la gendarmerie,qui a pris des dispositions. Emporté « dans l’essoreuse à salade médiatique » depuis que l’affaire a éclaté,il sait qu’il devra aussi toucher à l’héritage mémoriel. Une fresque monumentale représentant l’abbé a été réalisée en 2021 sur un bâtiment municipal par l’artiste Ernesto Novo. Il faudra « un nouveau projet »,estime l’édile,ce qui impliquera de faire disparaître l’œuvre existante.
Il vous reste 34.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
© Affaires Officielles